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Genève, le 31 mars 2006

Comite Genevois de Soutien aux Prisonniers Politques Mapuche en Greve de la Faim

Le 13 mars 2006, les prisonniers politiques mapuche (PPM) de la Prison d'Angol, située au Sud du Chili, ont commencé une grève de la faim pour une durée indéterminée. Leurs revendications principales sont la liberté immédiate de tous les PPM et la révision de leur accusation d' « Incendie Terroriste Poluco Pidenco ». Nous avons donc décidé de créer à Genève un Comité de soutien aux grévistes et de suivre de près leur situation. Nous invitons toutes les associations genevoises et les organisations européennes et latino-américaines qui le désirent à s'associer à cette déclaration, en la signant et en la diffusant.

Historiquement, le peuple Mapuche a été discriminé et pour ainsi dire nié au sein de l'Etat chilien. On ne respecte ni ses traditions, ni son organisation sociale, ni sa culture, ni même sa langue. A cette situation s'ajoute le dépouillement systématique de ses terres et l'expansion forestière menée par des latifundistes et des compagnies forestières nationales et multinationales depuis déjà plusieurs décennies. Ceux-ci ont transformé et dégradé l'environnement naturel des territoires mapuche. Cette situation oblige ainsi plusieurs secteurs de la société à vivre dans des enclaves appauvries et discriminées dont les niveaux de vie sont bien au-dessous de ceux de la moyenne des Chiliens . Face à cette triste réalité a surgit, dans les années '90, un mouvement mapuche revendiquant la récupération de ses terres, la préservation de sa culture et de son organisation sociale. Le but est, à terme, d'atteindre un niveau de vie meilleur et l'autonomie pour le peuple Mapuche. Des actions importantes ont été réalisées, destinées à la récupération des territoires ancestraux, aujourd'hui occupés par les compagnies forestières. Elles consistent aussi à la prise de conscience du peuple mapuche sur le degré d'abandon et de misère dans lequel il subsiste. Ces actions ont entraîné une recrudescence de la répression, qui est devenue systématique durant le mandat du dernier gouvernement. La recherche d'activistes mapuche est accompagnée de perquisitions de domiciles, durant lesquelles la police, de plus en plus raciste à l'encontre des mapuche, abuse de son pouvoir en recourant à une violence indiscriminante. Celle-ci se manifeste par la destruction d'habitations et de biens matériels, le vol d'ustensiles et d'outils, entre autre. La police a déjà frappé, agressé et insulté des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, et même des personnes handicapées physiquement. Elle utilise des plombs de chasse, des bombes lacrymogènes, des armes de guerres, des véhicules blindés, des hélicoptères et des centaines d'effectifs policiers pour accomplir les perquisitions dans les communautés indigènes dont les habitants sont en nombre restreint. Dans les territoires en conflit, la présence des policiers et des forces spéciales est permanente et excessive. Ils contrôlent ainsi systématiquement la population et harcèlent constamment les habitants et visiteurs des zones rurales.

Le zèle de l'Etat contre le mouvement mapuche s'est intensifié avec les années. Le Président Frei (1994-2000) a mis en accusation des Comuneros mapuche en appliquant La Loi De Sécurité de l'Etat (une loi de 1958 destinée à combattre la « subversion, la rébellion et la violence politique »). D'un autre côté, la répression s'est renforcée contre le peuple Mapuche lors de l'adoption de la Loi Antiterroriste , appliquée afin de faire condamner les Comuneros mapuche . C'est sous le régime de cette loi que les Prisonniers politiques mapuche en grève de la faim ont été condamnés. Il est important de rappeler que la Loi Antiterroriste a été introduite par le dictateur Augusto Pinochet pour affronter l'opposition croissante à la dictature militaire. Paradoxalement, cette loi dictatoriale a été modifiée par le premier gouvernement démocratique afin de renforcer son application en incorporant des délits communs, tels que l'« incendie ou menace terroriste », figurant déjà dans le Code Pénal. Cette loi est la plus dure de l'ordre juridique chilien. En usant de cette loi, les autorités chargées d'appliquer le droit privent les accusés des garanties de procédure judiciaire et violent par là le Pacte International de droits civils et politiques et la Convention Américaine des droits de l'Homme, instruments ratifiés par le Chili. Elles nient le soutien qu'ont manifesté des organismes Internationaux de défense des droits de l'homme tels que Human Right Watch, Amnesty International, la FIDH , etc., contre l'application de cette loi arbitraire. L'une des violations graves des garanties de procédure judiciaire est l'utilisation de témoins sans visage, comparaissant au tribunal derrière des paravents et parlant à travers des micros distordant la voix. Il faut signaler en plus qu'à deux occasions où des juges avaient acquittés des accusés Mapuche , la Cour suprême est intervenue pour révoquer ces jugements et pour les condamner. Pour ces raisons, voyant leurs garanties de procédure violées, certains Mapuche accusés d'actes terroristes ou d'association illicite terroriste ont décidé de ne pas comparaître et ont ainsi opté pour la voie de la clandestinité. Ils sont aujourd'hui persécutés par l'Etat chilien.

Les déclarations des PPM en grève de la faim, soit de Jaime Marileo Saravia, Patricia Troncoso Robles, Juan Marileo Saravia, Juan Huenulao Lienmil, Juan Colihuinca Ancaluan et de Jose Cariqueo Saravia, nous sont parvenues et nous voulons dire ce qui suit à cet égard :

  • Nous manifestons notre plus grand soutien à leurs revendications ;

  • Non à la criminalisation de la mobilisation mapuche. Nous dénonçons la politique répressive déployée par l'Etat chilien, telle que nous l'avons décrite auparavant, et nous exigeons le respect du rapport de Rodolfo Stavenhagen, rapporteur des Nations Unies pour les droits de l'homme et les libertés fondamentales des indigènes, rendu en novembre 2003, selon lequel «  les légitimes revendications venant des organisations et des communautés indigènes ne doivent être criminalisées ou pénalisées sous aucun prétexte. Les accusations de délits (« menaces terroriste » ou « l'association illicite ») prises dans un autre contexte ne doivent pas être appliquées à la lutte pour la terre et aux légitimes demandes indigènes »

  • Nous exigeons la révision par un tribunal indépendant et impartial de toutes les inculpations faites à l'encontre des PPM, en particulier de l'accusation de Poluco-Pidenco. A cause de celle-ci, les grévistes sont accusés d'avoir incendié cent hectares de la Compagnie Forestière Mininco SA et ainsi condamnés à dix ans et un jour d'emprisonnement et à payer 400'000'000 pesos (environ un million de SFR) à titre d'indemnités. Tout cela en vertu de la fameuse Loi Antiterroriste.

  • Nous dénonçons l'aberration que commet la justice chilienne en réalisant un procès à huis clos. L'Etat dans son désespoir d'arrêter le mouvement mapuche et d'emprisonner des innocents, effectue ce procès sans la présence des imputés en leur imposant d'office des avocats qui ne leur inspirent guère confiance. Les témoins sans visage ne suffissent-ils pas ?

  • Nous rappelons à Madame la Présidente Michelle Bachelet qu'elle s'est engagée à cesser d'appliquer cette loi. Nous exigeons donc qu'elle respecte ses engagements.

  • Nous saluons les mapuche qui, sans choix, vivent dans la clandestinité et nous partageons les raisons pour lesquelles ils ont décidé de ne pas comparaître devant les tribunaux.

- Par conséquent, nous invitons chaque personne qui partagerait les opinions évoquées dans cette déclaration à participer à une action qui se déroulera devant la mission permanente du Chili (bus 3, arrêt Petit-Saconnex) le jeudi 6 avril à onze heure du matin.

- Vu l'urgence de l'affaire et l'état de santé des PPM qui se dégradent avec l'écoulement des jours, nous invitons les médias à ce joindre à nous le jeudi 6 avril à 11h30 devant la mission permanente du Chili. A cette occasion, des explications pourront être demandées aux délégués de la mission.

- Nous insistons pour que le jeudi 6 avril soit déclaré comme une journée internationale de soutien au Prisonniers Politiques Mapuche. Pour mener à bien cette journée, nous invitons les organisations mapuche se trouvant dans tous les coins de la terre à réagir devant les ambassades chiliennes de chaque pays.

- A partir du jeudi 6 avril, nous initions un jeûne symbolique afin d'exprimer d'une part, notre répudiation contre les actions commises par l'Etat chilien à l'encontre des mapuche, et d'autre part, notre soutien à ce peuple qui lutte et résiste contre ceux qui ont « fixé comme seul nord de notre humanité originaire, l'argent ».

- Enfin, nous mettrons fin au jeûne par la réalisation d'une soirée culturelle le samedi 8 avril à 19 heures à la Maison des Associations. Le tract de l'activité et le lieu du jeûne seront envoyés et affichés ultérieurement.

Signataires :

La Défense Internationale des Droits des Peuples (DIDEPU), Le Comité Mémoire et Justice, La Fédération Syndicale Mondiale, Les Communistes

Témoignages et expériences personnelles recueillis par un collaborateur de l'Association Américaine de Juristes lors d'une visite dans la VII et IX Région du Chili, en septembre et octobre 2004.

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