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Solidarité /article

Pour les indigènes mapuches, le Chili n'a pas vraiment changé

Le Courrier - SIMON PETITE - Paru le Samedi 09 Juillet 2005

RÉPRESSION - Les Mapuches s'accrochent à leurs terres. Les autorités n'hésitent pas à recourir à une loi antiterroriste datant de Pinochet.

A l'écouter, on croirait qu'Augusto Pinochet tient toujours les rênes du Chili. Juana Calfunao Paillaef est la «Lonco» d'une petite communauté mapuche du Sud du pays. «Lonco» signifie la «tête pensante» chez ces indigènes, qui résistent farouchement au grignotage de leurs terres ancestrales. Elle était de passage à Genève. Il n'est pas courant qu'une femme dirige une communauté mapuche, reconnaît Juana Calfunao. «Avec la répression, nous avons dû monter au créneau.» Son arrière grand-père, puis son grand père, étaient «Lonco» avant que sa mère ne reprenne cette charge.

En 1973, Pinochet renverse Salvador Allende. Une chape de plomb recouvre le pays. «Ma mère a été arrêtée et torturée. De retour chez les siens, elle n'était plus en mesure d'assumer la tâche de 'Lonco'».

La fille reprendra le combat bien plus tard. En 1998, Juana Calfunao dénonce l'empiètement des propriétaires terriens voisins sur le territoire de sa communauté. Le début de ses ennuis.

LOI D'EXCEPTION

En mai 2000, Juana Calfunao est arrêtée par la police. Les passages à tabac subis en détention lui font perdre le bébé qu'elle portait, rapporte Amnesty International.
Dernier épisode répertorié par la célèbre organisation de défense des droits humains, l'incendie de la maison de Juana Calfunao, dans lequel a péri son oncle. C'était le 26 juin 2004. Dans les deux cas, Amnesty n'a connaissance d'aucune poursuite.

Contre les Mapuches, les méthodes de la dictature perdurent. Les autorités recourent volontiers à une loi antiterroriste promulguée sous Pinochet. En 2004, douze membres de la minorité mapuche ont été condamnés pour «terrorisme» dans des affaires de conflit avec des propriétaires terriens ou des entreprises forestières, signale Human Rights Watch dans son dernier rapport annuel.

La loi antiterroriste autorise des détentions préventives longues de plusieurs mois ou permet aux témoins à charge de rester anonymes.

EMPÊCHEURS D'INVESTIR EN ROND

Après sa visite au Chili il y a deux ans, Rodolfo Stavenhagen, le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des peuples indigènes, s'étonnait du fait que les médias s'intéressaient beaucoup aux crimes du régime Pinochet et très peu à ceux commis aujourd'hui contre les Mapuches.

S'ils le faisaient, peut-être que les Chiliens s'apercevraient que leur pays n'a pas radicalement changé. «Je crois que nous autres Chiliens de gauche, progressistes, nous avons une grande responsabilité, et nous ne l'avons pas pleinement assumée: faire savoir ce qui se passe réellement au Chili», écrivait la dirigeante historique du Parti communiste Gladys Marin, décédée en mars dernier. «Le Chili a été le premier pays à appliquer sans restrictions le modèle néolibéral, et ce sous la dictature de Pinochet. Il ne reste désormais plus rien à privatiser. Ce processus n'a pas été remis en cause par les gouvernements de la Concertation (centre gauche au pouvoir depuis 2000, ndlr).»1

Dans un tel contexte, les Mapuches apparaissent comme des empêcheurs d'investir en rond. Les terres qui leur restent sont l'objet des convoitises des sociétés forestières étrangères. «Elles détruisent les forêts originelles, pour planter des pins et des eucalyptus qui assèchent le sol», dénonce Juana Calfunao. «Votre progrès, basé sur la rentabilité, signifie notre destruction.» I

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