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Pendant que Relmutray essaye de s’adapter et de profiter de la vie à distance:

Une nouvelle et imminente condamnation est prononcée contre sa mère, la Lonko Calfunao

Par Reynaldo Mariqueo* -23 février, 2009

Image: Lonko Juana Calfunao

Dans le contexte de persécution politique qui affecte –actuellement au Chili- les autorités et les dirigeants du peuple mapuche, la Lonko Juana Calfunao a comparu, mardi 24 février 2009, devant le Tribunal de Garantie de Temuco. L’ordre judiciaire a été prescrit par Maria Llanos Morales, juge du Tribunal de Garantie de cette ville, dans le but d’obtenir un échantillon d’ADN de la détenue et d’inclure celui-ci dans le registre criminel de la police.

La loi n° 19'970, promulguée en octobre 2008, est à la base du Système National de Registre d’ADN, en vue de l’obtention «d’empreintes génétiques déterminées dans le cadre d’une enquête criminelle».
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Image: Lonko Juana Calfunao

Son article 3 établit que «les informations contenues dans le Système, en particulier les échantillons biologiques et les empreintes génétiques, seront considérées comme des données sensibles». Cependant, il est également stipulé par la loi que le Système devra regrouper les Registres des Condamnés, des Imputés et des Victimes –entre autres-, et que les policiers et les défenseurs publiques et privés y auront accès, après autorisation du tribunal respectif. En ce qui concerne la «conservation et destruction du matériel biologique», l’article 14 indique que «le Ministère Public devra ordonner la conservation d’une partie de celui-ci, pour une durée qui peut aller jusqu’à trente ans».

La procédure légale contre la Lonko Juana Calfunao a été entamée suite au refus de celle-ci de se soumettre à un prélèvement d’ADN. Elle considère, en effet, que cet acte porte atteinte à ses droits, car il viole sa vie privée et profane la coutume et les croyances spirituelles ancestrales de la culture mapuche. Il est alors légitime de supposer que par cette démarche, les autorités chiliennes cherchent à augmenter la peine de la Lonko, établie déjà à cinq ans d’incarcération.

La Lonko Calfunao se trouve détenue depuis le 4 janvier 2006, après qu’un tribunal chilien a décrété son enfermement préventif, en la considérant comme «un danger pour la société». Le 22 février de la même année, le Tribunal de Garantie de Temuco l’a condamnée à 61 jours de prison, accusée de «désordres publics et de menaces contre des carabiniers en service». Le 20 novembre, le même tribunal la condamne à 150 jours d’emprisonnement pour «désordres publics» et, le 31 octobre 2007, Juana Calfunao est à nouveau condamnée à trois années de réclusion, cette fois, accusée d’«atteinte aux autorités».

Cette dernière offense se serait produite dans le tribunal, suite à la lecture d’une des sentences des accusés mapuches. Ceux-ci ont réagi avec indignation à la sévérité du verdict, en le qualifiant de discriminatoire et d’injuste. La Lonko Juana Calfunao, ainsi que son mari (Werken) Antonio Cadin, sa sœur Luisa et ses fils Waikilaf et Jorge (absent à ce moment-là de la salle du tribunal) ont été accusés d’avoir agressé physiquement et d’avoir traité de racistes les procureurs Luis Torres Contreras et Mauricio Torres Gutierrez, auxquels ils auraient, de plus, craché à la figure.

Étant donné qu’au moment des faits, les procureurs étaient des fonctionnaires publics, le parlement chilien s’est vu contraint d’entamer une procédure d’urgence pour élever le statut des procureurs à celui «d’autorité». En effet, le 27 décembre 2007 (deux mois après la condamnation) la Loi n° 20'236 a été édictée.

Bien que les faits imputés à la Lonko Calfunao et à sa famille aient eu lieu avant la promulgation de ladite loi, celle-ci a été arbitrairement appliquée dans cette affaire, de manière rétroactive. Ainsi, le principe de légalité, établi dans la Constitution de l’État et qui exige que la loi soit en vigueur lors de la perpétration du délit, a été enfreint. L’avocat de la Lonko Calfunao, M. Lorenzo Morales Cortés, a fait appel auprès du Tribunal Constitutionnel contre le jugement prononcé. Celui-ci contredit l’article 19 de la Constitution chilienne qui stipule qu’ «aucune loi ne peut établir des peines sans que la conduite qui est sanctionnée ne soit expressément décrite par elle». Pour cette raison, il est possible d’affirmer que la condamnation est illégale et qu’elle est le résultat de l’abus de pouvoir des autorités judiciaires.

D’autre part, la promotion des procureurs au rang d’autorités viole le principe d’égalité devant la Loi et confirme l’inégalité de condition entre Chiliens. Ceci contrevient à l’article 19 de la Constitution Politique de la République, qui indique qu’: «au Chili, il n’y a ni personnes ni groupes privilégiés», et ajoute que: «ni la loi ni aucune autorité ne pourront établir des différences arbitraires».

Durant le gouvernement du dictateur Pinochet, les procureurs –dans leur qualité de fonctionnaires publics- ont disposé d’un énorme pouvoir; quelques-uns d’entre eux ont été responsables de la condamnation à la peine capitale d’un grand nombre de prisonniers politiques. Une affaire connue est celle du procureur Alfonso Podlech, qui a joué un rôle important dans la mort et la disparition de 196 personnes dans la région de l’Araucanie. Podlech affronte aujourd’hui la justice dans un tribunal d’Italie, pour la disparition en 1973 de l’ex prêtre italien Omar Venturelli. Des parents de prisonniers politiques assassinés –aussi bien chiliens que mapuches- font actuellement pression sur la justice italienne, car ils savent que si l’accusé est extradé au Chili, «il jouira de la même impunité dont Pinochet a joui jusqu’à sa mort». (1)

Les procureurs se sont traditionnellement caractérisés par leur inefficacité lorsqu’il s’agit de défendre les droits des membres des communautés mapuches. Des organisations mapuches et de droits humains dénoncent de manière régulière les abus et les irrégularités dont les procureurs font preuve. De par leur conduite, ils semblent être davantage au service des latifundistes et des entreprises forestières que du Ministère Public. À la demande de ceux-ci, ou simplement influencés par les médias, les procureurs n’hésitent pas à ordonner des perquisitions au sein des communautés mapuches –même sans mandats-, des contrôles d’identité non justifiés, et la détention de personnes pour le seul fait d’être mapuche. Ceci est devenu une affaire quasi quotidienne dans les communautés, à l’instar de la communauté Juan Paillalef et de la communauté autonome de Temucuicui. Continuellement, des organisations sociales dénoncent l’étroite relation qui lie les procureurs et le pouvoir politique et économique, ce qui laisse planer des doutes sur l’indépendance des tribunaux et la crédibilité de la justice chilienne.

De son côté, la Charte Fondamentale, dans son article 84, renforce la position privilégiée des procureurs, en établissant que «les personnes désignées procureurs ne pourront aucunement être empêchées d’exercer la fonction de juge». Elles peuvent également postuler à des postes politiques, ce qui met encore en danger l’indépendance des membres du Ministère Publique, à cause des possibles conflits d’intérêts. Aujourd’hui, le gouvernement démocratique de Bachelet estime que les procureurs n’ont toujours pas assez de pouvoir, raison pour laquelle ils sont élevés au rang d’ «autorité» publique, ayant désormais le «pouvoir de commander, d’exécuter et de faire exécuter des ordres». (2)

L’asile politique de Mapuches, la honte de la démocratie chilienne

La petite Relmutray se trouvait au Chili dans un sérieux état de détresse. Ceci était dû aux détentions réitérées de ses parents, de ses frères et d’autres membres de sa famille ; à l’environnement de terreur dans lequel elle grandissait; aux perquisitions policières permanentes subies par sa communauté; et aux attaques des propriétaires terriens voisins. Au cours des dernières années, les latifundistes de la région ont en effet provoqué la destruction de trois des maisons où l’enfant a vécu, ainsi que le décès d’un membre de sa famille.
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Image:
Relmutray Cadin en Verbier, Suisse

Fhoto
:
Archivo MIL

Relmutray a dû supporter des actes d’intimidation et de vexation à l’entrée des prisons de Temuco, lorsqu’elle visitait sa mère, son père et ses frères. Ce ne sont que quelques exemples du cauchemar qu’elle a souffert, dans un pays où –en ce qui concerne les Mapuches- les Droits de l’Enfant sont totalement ignorés.

La semaine passée –à l’occasion des vacances scolaires-, Relmutray et sa tante Rayen ont été invitées à skier par une famille suisse, parents d’une camarade de classe de Relmutray. Elles ont passé une semaine à Verbier, l’une des stations de ski les plus connues d’Europe, située dans les Alpes suisses. Relmutray a suivi un cours pour apprendre à skier et elle l’a suivi remarquablement; tellement, qu’à sa surprise, elle a même gagné une médaille, de laquelle elle se dit fière –comme l’a commenté Rayen.

Durant son bref séjour en Suisse, Relmutray a reçu beaucoup de gestes d’amitié et d’affection, de la part d’autres enfants et de leurs familles, touchés par la situation dans laquelle elle se trouve. Malgré la différence culturelle et de mode de vie, Relmutray a été traitée –loin de sa terre natale- avec le respect et la solidarité qu’elle n’a jamais obtenus de la part de la société chilienne.

Les effets d’une société qui ne valorise pas la diversité culturelle existante, pas plus qu’elle ne la reconnaît, s’expriment dans les écoles par l’attitude de dédain envers les enfants mapuches. Ces gestes de mépris étaient devenus un autre des tourments de la petite Relmutray, au point qu’elle pleurait chaque fois qu’elle devait aller à l’internat, à cause du racisme quotidien dont elle était victime. Aujourd’hui, c’est tout le contraire –nous a commenté Rayen-: «Relmutray se lève à six heures du matin pour aller à l’école, qui ne commence en réalité qu’à 8h. Dès qu’elle arrive à la maison, elle veut faire ses devoirs, et elle peut déjà s'exprimer en français sans problème».

Les médias chiliens n’ont été informés que mi-février de la demande d’asile politique initiée par Flor Calfunao et Relmutray début septembre 2008. Le Ministre Secrétaire Général du Gouvernement, Neftalí Carabantes, a tenté de minimiser les préjudices portés par cette affaire à l’image du Chili au niveau international. Il a indiqué que la sollicitude d’asile politique était «non fondée», puisqu’ «au Chili, il existe un État de droit», et il a affirmé que dans ce pays «les libertés publiques sont respectées, il n’y a pas de prisonniers politiques, il existe une stricte séparation des pouvoirs de l’État et les droits humains ne sont pas violés». (3)

En ce qui concerne la séparation des pouvoirs de l’État, Edmundo Pérez, vice-président chilien s’est chargé de contredire M. Carabantes. Il a en effet affirmé que «le Gouvernement invoquera la Loi Antiterroriste» contre le militant mapuche Miguel Tapia Wenulef, en raison de la découverte présumée d’une arme à feu et de quelques plantes de cannabis au domicile de l’accusé, à Santiago. Ses déclaration ont été réaffirmées par le Ministre de l’Intérieur, Patricio Rosende, qui a confirmé ces propos: «Si la Loi Antiterroriste est pertinente, elle s’appliquera sans aucune hésitation». (4)

Avec ces déclarations, les autorités du gouvernement mettent en évidence devant le monde entier, qu’au Chili, l’indépendance des tribunaux n’est pas respectée. La séparation des pouvoirs exécutif et législatif en question est donc n'est pas respectée, puisque ceux qui invoquent la Loi à appliquer ne sont apparemment pas les juges, mais le gouvernement.

Quant à «l’État de Droit», il est aussi discrédité que dans le passé aux yeux des membres du peuple mapuche. Ces derniers n’ont aucune confiance en l’État chilien et doutent fermement que celui-ci ait la volonté de garantir des jugements justes et des traitements adéquats aux Mapuches. Ils mettent donc en doute l’indépendance des tribunaux et dénoncent sans cesse le non respect de l’intégrité physique et psychique des condamnés, ainsi que la violation des règles d’un juste procès.

Beaucoup de Mapuches considèrent les lois et les tribunaux comme des instruments d’oppression, et la police, comme une force d’occupation de son territoire ancestral. Un nombre de plus en plus important d’entre eux manifeste publiquement le désir de renoncer à la nationalité chilienne, parmi lesquels la Lonko Juana Calfunao, et récemment le Werken Jaime Huenchullan. Ce dernier a, d’ailleurs, mis en vente son rein afin de financer sa défense, puisqu’il n’a pas confiance en les avocats assignés par la Défense Publique. La plupart des Mapuches soutiennent que l’État chilien promeut une politique d’assimilation et de non respect de leur culture et de leurs droits territoriaux, qu’il ne garantit ni leurs droits ni leurs libertés fondamentales, en accord avec les normes internationales.

La Lonko Cafunao n’a jamais obtenu justice ni pour la destruction de ses maisons; ni pour les menaces formulées à son encontre par des civils et des policiers; ni pour la mort de son oncle Basilio Coñoenao; ni pour la perte de son bébé, résultat de la brutalité policière, dans le 2e Commissariat de Temuco en 2000. Dans chacun de ces cas, il a été fait appel aux tribunaux chiliens. Mais les investigations n’ont point aboutit et les responsables des délits n’ont jamais été punis.

C’est cette conduite judiciaire qui corrobore les soupçons des Mapuches, qui confirme à tout moment que lorsqu’il s’agit de faire justice, l’ «État de Droit» ne fonctionne pas pour eux. Ce qui est par contre clair, c’est qu’il agit très efficacement pour défendre les intérêts des entreprises et des propriétaires terriens.

La simple dénonciation de la part d’un latifundiste, pour une présumée menace ou un supposé attentat à sa propriété, déclenche de manière automatique un énorme dispositif policier: perquisitions dans les communautés voisines; détention et torture de ses habitants; protection policière pour le plaignant, 24 heures sur 24. La Lonko Calfunao n’a, pour sa part, jamais reçu de protection policière après l’incendie de ses maisons, ce qui met en évidence le traitement discriminatoire et raciste de la justice au Chili.

La plupart des prisonniers politiques mapuches ont été incarcérés pour s’être servis de leurs droits civils, tels que le droit de manifester pacifiquement, le droit de réclamer la restitution de leurs terres usurpées, ou celui d’arrêter des projets d’infrastructures, qui prévoient de s’implanter dans les territoires des communautés mapuches, sans le consentement de leurs habitants. Le gouvernement chilien a criminalisé toutes ces actions de protestation, bien que la Constitution chilienne, ainsi que les lois internationales les garantissent. Les plus importantes organisations des droits humains, nationales et internationales, ont à plusieurs reprises rappelé le gouvernement démocratique chilien à l’ordre. Ce dernier n’a pourtant jusqu’à maintenant pas réagi.

Au Chili, on ne respecte pas non plus les droits culturels des Mapuches qui désirent développer leur culture, en accord avec leur propre cosmovision. Carlos Cayupe Aillapan a présenté une plainte devant la Cour d’Appellations de Temuco, suite à l’ordre prescrit par la juge de Garantie de Victoria, María Olga Moreno Aguirre, de se couper les cheveux. Pour les Mapuches d’autrefois, il était d’usage de porter les cheveux longs. Aujourd’hui, un grand nombre de Mapuches considère cette coutume comme un élément important de leur identité culturelle.

L’introduction de la loi qui instaure le «Système National de Registre d’ADN» vient compléter l’arsenal de lois répressives introduites dans la législation chilienne durant le régime de Pinochet; tels que la Loi Antiterroriste, appliquée aujourd’hui contre les Mapuches. Par cet acte législatif, le gouvernement démocratique inaugure une nouvelle mesure de contrôle social. Des prisonniers politiques mapuches et l’Observatoire Citoyen dénoncent un fichage prioritaire des Mapuches, accusés et/ou condamnés pour des affaires politiques. De plus, «le refus des détenus de se soumettre aux examens pertinents peut conduire à ce que ceux-ci soient faits de force». (5)

Cette nouvelle loi n’a, en effet, d’autre objectif que de maintenir une pression permanente sur les autorités et les militants mapuches qui luttent pour les droits de leur communauté et de leur peuple. La persécution politique à l’encontre des militants mapuches se voit encore une fois mise en évidence par l’action de la Gendarmerie de la Région de l’Araucanie, qui essaye d’incorporer les données ADN des Mapuches qui étaient libres et qui ont déjà accompli leurs peines, comme c’est le cas de Julio Marileo Calfuqueo.(6) Cela amène à se questionner sur la durée de détention de la Lonko Juana Calfunao et des autres prisonniers politiques mapuches, qui verront sûrement leur séjour d’incarcération se prolonger.

Les prisonniers politiques mapuches sont vus par la société mapuche comme des patriotes, des combattants de la liberté, et par les organismes des droits de l’homme, comme des défenseurs des droits humains. Les considérer donc comme représentant «un danger pour la société» n’est rien de plus qu’une excuse pour appliquer le concept d’ «ennemi interne», propre des dictatures. À notre avis, cela n’est pas seulement illégitime et contreproductif, mais en plus, loin de résoudre le problème, l’accentue.

(*) Werken Mapuche (Messager - Envoyé Spécial)

Bibliographie:

  1. Alfonso Podlech Micheaud, el Fiscal Militar de Pinochet para la "Araucanía". Correo de los Trabajadores - Medio Informativo Fundado por los CCTT. Bielefeld, febrero 14 de 2009

  2. Defensoría. Departamento de Estudios 7º Boletín de Jurisprudencia. 11/08/2006

  3. Vocero de Gobierno (s): Solicitud de asilo político a Suiza de niña mapuche es “improcedente”. Gobierno de Chile. Secretaria de Comunicaciones Palacio de La Moneda. Jueves 12 de febrero de 2009.

  4. Gobierno invoca Ley Antiterrorista para activista mapuche detenido en Lo Prado. El Mostrador. 12 de Febrero de 2009.

  5. Observatorio Ciudadano. Registro Nacional de ADN y su Aplicación Prioritaria al Pueblo Mapuche viola Derechos Fundamentales. Temuco-Santiago, 4 de febrero de 2009”

  6. Recurso de Protección, Ilustre Corte de Apelaciones de Temuco. Documento recibido vía Red Pulchetun. 22 de Febrero, 2009.

 

 

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