Présentation du Prince d’Araucanie-Patagonie au Groupe de Travail sur les Peuples Indigènes, O.N.U. 

COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME
Sous-Commission de la promotion et de
la protection des droits de l’homme
Groupe de travail sur les populations autochtones
VIIè session
Genève, 31 juillet au 4 août 1989

Madame la Présidente,

J'ai, en Mars-Avril derniers, rendu visite au peuple mapuche, dans les deux pays qui se sont partagés son territoire, l'Argentine et le Chili.

photo: Le Prince Philippe d’Araucanie-Patagonie

Ce voyage d'étude m'a permis d'apprécier les problèmes auxquels ce peuple, à qui m'attachent des liens historiques et moraux, se trouve confronté.

Ils sont si nombreux qu'il n'est pas question de les énumérer ici, mon propos se limitant à l'ordre du jour de cette session et les délégués mapuches présents étant mieux qualifiés que moi pour le faire. Je veux parler par contre de la recherche de solutions permettant de les traiter efficacement.

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Le Prince Philippe d’Araucanie-Patagonie

Un exemple introduira l'énoncé de ma suggestion.

A l'encontre de la République du Chili qui n'a jamais ratifié la convention 107 de l'O.I.T. et dont la législation nationale est extrêmement préjudiciables aux peuples indiens, en particulier pour la nation mapuche, l'Argentine a ratifié dès1959, cette convention, devenue la loi nationale 14.932, sans, malheureusement, l'appliquer au cours des trente années qui se sont écoulées depuis.

Au cours des cinq dernières années, par contre, la loi nationale 23.302 sur les communautés indigènes et six lois provinciales ont été adoptées, dont on peut saluer l'esprit généralement positif.

Malheureusement, le Décret de règlementation de ladite loi nationale n'a été publié que quatre ans après, en Février dernier et, deux mois plus tard, lors d'une conversation que j'ai eue lors de mon séjour à Buenos Aires, avec le directeur du service des Lois à la Présidence de la République d'Argentine, celui-ci me confiait que, de toute manière, le Décret de règlementation n'était actuellement pas applicable puisqu'il n'était accompagné d'aucune ouverture de crédit. La situation est la même en ce qui concerne les lois provinciales, les crédits nécessaires à leur application étant pratiquement inexistants. C'est ce point vital que la Commission Provinciale d'Identification et d'Adjudication des Terres aux Communautés Arborigènes de la Province du CHUBUT (Argentine) m'a dûment chargé de vous exposer.

Récemment, l'O.I.T. a adopté la révision de la convention 107 sur les Peuples Indigènes et tribaux. Qu'il me soit permis, au-delà des critiques justifiées sur son contenu, d'émettre quelques inquiétudes sur son application concrète, dans l'actuelle situation économique de la République d’Argentine, que connaissent également la plupart des pays d'Amérique latine, ainsi que de nombreux Etats du Tiers-Monde.

Nul n'ignore le terrible problème de la dette extérieure de nombre de ces pays et le handicap qu'elle constitue tant pour leur développement général que pour les changement que ces pays pourraient projeter dans de multiples secteurs, en tête desquels s'inscrit l'amélioration des conditions de vie des peuples indigènes qu'ils intègrent.

Pour répondre à ce problème mondial, quelques pays riches - et créditeurs - recherchent actuellement des solutions équitables et quelques gestes effectifs ont récemment été accomplis. Pour ma modeste part je souhaite soumettre au groupe de travail la proposition de recommandation suivante:

  1. Un allègement appréciable de leur dette pourrait être consenti aux pays qui adopteraient une législation effective en faveur des peuples indigènes, la traduisant en une pratique sans équivoque.

  2. Tout ou partie la dette ainsi remise devrait, alors, être investie dans un fonds spécifique, permettant de mettre en œuvre les moyens économiques nécessaires au développement des peuples indigènes dans les pays concernés.

  3. Ce fonds pourrait être géré conjointement par les pays intéressés, les pays créditeurs, les représentants légitimes des peuples indigènes et les organismes internationaux qualifiés (ONU, FMI, UNESCO, FAO, OIT, etc.)

Il est en effet parfaitement utopique d'espérer que, dans une situation souvent voisine de la banqueroute, certains pays sans aucun moyen financier approprié, puissent réellement mettre en œuvre une politique efficace en faveur du développement des nations indigènes, si une aide internationale contrôlée ne vient pas les y aider.

Une telle mesure, de la part des pays riches, serait, à la veille du 500e anniversaire de l'invasion du continent américain, au delà des discours et des déclarations d'intention, une manière concrète d'entamer un authentique processus de réparation historique envers les peuples indigènes spoliés sur tout le continent américain.

Si l'Histoire ne se refait pas, il est toujours possible d'en corriger les erreurs.

C'est dans cet esprit que j'ai l'honneur, Madame la Présidente, de vous transmettre ce document et ses annexes, en formulant le vœu que si l'idée ainsi émise se heurtait à des difficultés techniques, elle serve au moins de point de départ à une réflexion constructive.

Dans le même esprit, je lance un appel aux représentants des divers pays concernés qui comprennent certainement que, loin de leur être opposée, cette suggestion est également présentée au service de leurs propres intérêts, afin qu'ils la transmettent, pour étude, à leur gouvernement.

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre bienveillante attention.

ANNEXES:


Signé: Prince Philippe d’Araucanie-Patagonie

 

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