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Francisco, jeune Mapuche de 14 ans, battu et menacé de mort par la police

Samedi, 24 Septembre, 2011 - Benito Perez

CHILI • Un jeune Mapuche a témoigné à l’ONU des mauvais traitements infligés par la police. Un cas parmi d’autres.

D’occupations en expulsions, la vie des communautés du Makewe, territoire mapuche proche de Temuco, dans le sud du Chili, vit au rythme obstiné de la lutte pour la reconquête des terres ancestrales. Pour Francisco Painevilo, le 5 octobre 2009 demeurera pourtant une journée différente.

Alors que les siens occupent une «parcelle de colons» revendiquée dans les environs de sa communauté, Francisco, 14 ans, est affairé à la cueillette de plantes médicinales avec son machi (chef spirituel mapuche). «Un hélicoptère nous a alors survolés, puis a commencé à nous poursuivre», raconte-t-il. Au sol, des carabiniers arrivés en renfort font feu, les balles en caoutchouc crépitent et ricochent sur le jeune homme affolé. Confondu avec un militant indigène, le mineur est arrêté sans ménagement. Menotté, cagoulé, on lui met des pierres dans les mains et les poches, avant d’être livré en pâture aux journalistes, puis hissé dans l’hélicoptère.

Une fois dans le ciel, «les carabiniers ont menacé de me jeter dans le vide si je n’avouais pas ma participation à l’action. Ils exigeaient aussi que je donne les noms des dirigeants.» Trempé, frappé à coups de crosse, il nie de toutes ses forces.

L’hélicoptère l’emmène vers un hôpital éloigné de la zone. Une doctoresse l’y accueille avec le mépris réservé à un «terroriste». Elle transmettra un certificat médical vierge.

Francisco est libéré quelques heures plus tard sous la pression de sa famille, qui le transporte vers deux autres hôpitaux qui, eux, constateront les blessures.
La plainte déposée contre les policiers est confiée à la justice militaire. «Les carabiniers ont affirmé qu’ils m’avaient retenu pour mon bien, pour me protéger», rapporte Francisco Painevilo. Qui n’a plus entendu parler de la procédure.

Déterminé à ne pas lâcher prise, le jeune homme s’est rendu la semaine passé au palais des Nations, à Genève, pour «témoigner pour tous les jeunes qui ont souffert de la répression». Lui-même estime avoir «eu de la chance, car des journalistes étaient présents quand ils m’ont fait monter dans l’hélicoptère».

A en croire les ONG et le Comité onusien sur les droits de l’enfant, les pressions physiques ou psychologiques font partie de l’arsenal habituel des forces de l’ordre chiliennes. «On n’a pu documenter qu’une vingtaine de cas de mineurs ayant subi des mauvais traitements en détention, mais il y en beaucoup plus», assure Nilsa Raín Huentemilla, militante mapuche basée en Suède. Face aux humiliations infligées par des médecins lors des détentions, beaucoup de parents sont en effet réticents à infliger à la victime une nouvelle visite médicale, afin de constater un état de choc ou les stigmates de la détention. Les bobos  sont donc soignés à la maison. Mais la plupart des victimes conservent des séquelles post-traumatiques, relève-t-elle.

A la tribune de l’ONU, Francisco Painevilo a d’ailleurs terminé son intervention en réclamant l’instauration au Chili d’un système de détection, d’accompagnement et d’indemnisation des mineurs victimes de «torture physique et psychologique».

Plus largement, ONG et experts des Nations Unies insistent pour que l’Etat chilien réforme sa police, trop souvent accusée de «brutalités» et d’«usage disproportionné de la force», dixit le comité des droits de l’enfant, pourtant peu habitué aux excès de langage. En août, l’assassinat par un carabinier d’un adolescent en marge des manifestations étudiantes est venu le rappeler.

Source: Le Courrier

 

 

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