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Déclaration de Reynaldo MARIQUEO devant le groupe de travail des Nations Unies concernant les populations indigènes

COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME
Sous-commission des Nations Unies pour la prévention de la discrimination et la protection des minorités
Groupe de travail sur les populations autochtones
4ème période des sessions
Genève, du 29 Juillet au 2 Août 1985

Madame la Présidente,

Au nom du Comité des Mapuches en exil, nous souhaitons vous féliciter vous et votre groupe de travail pour votre préoccupation et votre attention aux droits des populations indigènes. Nous souhaiterions vous aider dans votre travail en portant à votre attention l'affaire du peuple Mapuche au Chili, en se concentrant sur cinq points en particulier. Nous espérons que cela vous aidera à formuler une série de principes généraux concernant les droits des peuples indigènes. Comme nous connaissons toutes les injustices dont souffrent les peuples indigènes, tels que le vol de leurs terres, la discrimination, le racisme, la répression et parfois le génocide qui sont les mêmes que nous regardions, par exemple, en Amazonie, au Pérou, au Guatemala, en Asie, Australie ou dans le Pacifique. Nous avons donc le sentiment que notre témoignage concernant la nation Mapuche n'est pas seulement pour nous même, mais exprime également notre solidarité, avec nos frères et nos sœurs dans le monde entier.

Un : Le nom Mapuche signifie "les gens de la terre/ du pays", déjà aujourd'hui, il ne nous reste que 1,5 % des terres que nous possédions quand les Espagnols arrivèrent en 1541. Il est vital pour notre survie en tant que peuple que nous continuions à détenir notre terre collectivement et inaliénablement. Mais, un Décret signé du Président Pinochet en Mars 1979, Décret 2568, permet la division des terres collectives mapuches pour entrer dans le champ de la propriété individuelle des propriétaires terriens; ceci représente une véritable menace pour notre survie en tant que peuple car depuis la signature  de ce Décret, le nombre de communautés mapuches a décliné de 2066 à 655. Nous avons donc besoin d'établir le principe de reconnaissance de la nature collective de notre propriété et de notre droit de recouvrer nos terres perdues.

Deux : L'ainsi nommée "décolonisation" de 1810 et la création de la République du Chili, causèrent la division artificielle de la nation Mapuche par la création de frontières arbitraires. La nation Mapuche est divisée par les frontières entre le Chili et l'Argentine, qui met un obstacle à notre liberté d'aller et venir. Nous ne sommes pas un cas isolé, car il existe plusieurs exemples de situations similaires sur notre continent. Nous avons donc besoin de sacraliser dans le Droit international le droit de se mouvoir librement à travers les frontières qui nous ont été arbitrairement imposées.

Trois : L'enseignement doit être basé sur la communication. L'enseignement officiel au Chili est dispensé en Espagnol et il existe beaucoup d'enfants mapuches qui ne peuvent comprendre leurs enseignants. L'enseignement transmis par un professeur qui ne parle qu'une langue étrangère et sans utilité et fut la cause de beaucoup de problèmes au sein de notre peuple. Nous souhaiterions voir une politique bilingue effective dans l'enseignement et dans toutes les situations intégrant le peuple Mapuche.

Quatre : La liberté de culte est reconnue comme un droit fondamental dans la plupart des sociétés. Au sein de beaucoup de nations indigènes, il est difficile de séparer la religion des autres aspects de la vie culturelle et sociale de notre peuple. Par exemple, nous, le peuple Mapuche célébrons des cérémonies religieuses appelées NGUILLATUN dans lesquelles nous vouons un culte à notre Dieu NGUINECHEN. C'est une cérémonie au cours de laquelle nous célébrons notre relation étroite avec notre terre.  Présentement, nous sommes obligés de demander la permission aux autorités pour tenir nos cérémonies et également de souffrir l'humiliation de voir l'intimité de nos cérémonies violée par la présence de policiers observateurs là où les non-mapuches ne devraient pas être présents. Nous souhaitons voir notre droit à la liberté de culte et notre droit à l'intimité dans les cérémonies religieuses respectés.

Cinq : Enfin, Madame la Présidente, nous voudrions attirer votre attention sur les problèmes rencontrés par nos organisations dans la poursuite pacifique de notre droit à l'autodétermination. Le gouvernement  à échouer dans notre protection contre les attaques des forces non gouvernementales paramilitaires. Par exemple, l'un de nos frères mapuches, Manuel MELIN PEHUEN, fut kidnappé dans sa communauté, le 23 Février 1984 et fut ultérieurement tué par un commando paramilitaire d'extrême droite. La police ne fit rien pour clarifier l'affaire de cet incident ou pour arrêter ses instigateurs. Ceci est un exemple de l'indirecte répression, pour laquelle nous pourrions en trouver maints autres. Il existe aussi des exemples de la répression gouvernementale directe : le 27 Mars 1984, un rassemblement pacifique auquel plusieurs communautés mapuches participaient fut violement dispersé par environ cent membres des forces de police qui attaquèrent beaucoup de présents y compris des enfants. Cela montre combien notre droit au rassemblement pacifique nous est refusé. Les arrestations de leaders mapuches sont une autre forme de répression directe. Entre 1984 et 1985, par exemple, au moins trente leaders mapuches ont été arrêtés, d'autres ont été exilés dans d'autres parties du Chili et d'autres encore en sont déjà expulsés. Nous voudrions donc voir notre droit à s'organiser dans la poursuite de l'autodétermination reconnu.

Madame la Présidente, voici les cinq points sur lesquels nous voulions attirer votre attention et nous vous serions reconnaissants si votre groupe de travail pouvait les prendre en considération quand vous énoncerez  les principes concernant les droits des indigènes. Je souhaite insister sur le fait que pour nous, les droits concernant la terre, la religion, l'enseignement, la culture, la liberté de mouvement, l'organisation et l'autodétermination sont inextricablement liés bien qu'il soit nécessaire de la diviser en principes.

Je vous remercie de nous avoir offert l'opportunité de décrire et d'exprimer les aspirations de la nation Mapuche.


Reynaldo MARIQUEO
Comité extérieur Mapuche
6 Lodge Street, BS1 5LR, Bristol, Angleterre.

Traduit de l'anglais par : Amandine SAEZ-VANDEVILLE.


 

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